Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/21

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Il riait, le nez contre la toile, cherchait chicane à des tonalités, aux ombres de la chevelure, aux modelés du cou, lorsqu’une portière se souleva comme sous la patte de velours d’un chat ; une enfant de huit ans s’arrêta dans ce cadre, froide, méfiante, le sourcil froncé ; elle avait les traits du portrait, mais ce qu’elle possédait par surcroît, l’ardeur cachée de la vie, une passion, un emportement, une personnalité d’exception, tout ce qui n’était pas dans l’image, le grand critique ne le discerna pas, non plus que la mère artiste. On se contenta de comparer les couleurs. Quand on l’eut bien regardée, la mère la renvoya. Mais à cet ordre, elle grimpa sur un fauteuil Louis XIII, et s’assit les membres raides, comme en bois.

— Cher maître, dit alors Jenny Fontœuvre, vous dînez avec nous ?

Addeghem d’abord refusa. Non, non ; il était venu leur faire cette courte visite parce qu’il les aimait beaucoup l’un et l’autre. Certainement, il les aimait beaucoup ; il trouvait gentil leur petit ménage presque bourgeois, si uni dans le travail, si exemplaire au milieu des scandales de leur monde. Mais il n’allait pas troubler, en vieux gêneur, leur réunion familiale du nouvel an. Et voilà que de nouveau il s’attendrissait. Ses yeux, fatigués et rougis par les nuits de café, devenaient humides, il secouait les boucles grises de ses cheveux. Jenny Fontœuvre alors fit signe à son mari.