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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/22

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— Si, si, nous vous gardons, cher maître, dit Fontœuvre qui comprit.

— Vous nous ferez tant de plaisir ! supplia la charmante femme en lui prenant les mains.

À la fin, il dit oui. À ce moment, Brigitte apportait le guéridon à thé. Elle avait une telle coquetterie de propreté, qu’avec ses cinquante-quatre ans, la nature de ses ouvrages quotidiens, le contact du fourneau, des fritures, des eaux grasses, elle reprenait une sorte d’élégance rien que de nouer, à sa taille encore belle, un tablier blanc. Elle qui avait promené jadis, par les ateliers fameux, ses pieds nus de nymphe, des pieds nacrés au talon rose, y marchait aujourd’hui humblement, chaussée de galoches, en bonne vieille femme heureuse de servir les autres.

On abreuva le grand homme de la tisane bouillante. Ses soixante ans se réchauffaient à ces petits soins. Pendant qu’il buvait, madame Fontœuvre glissa à l’oreille de Brigitte :

— Tâchez d’avoir une langouste ; maman se chargera de la mayonnaise.

La question du service l’inquiétait ; elle faisait semblant de goûter au thé, de croquer un biscuit ; elle répondait sans entendre au critique bavard qui lui parlait d’une exposition de la rue Laffitte. Soudain, une idée lui traversa l’esprit : monsieur et madame Dodelaud, les antiquaires d’en bas, qui raffolaient de Marcelle, ne refuseraient pas de prêter pour la soirée leur jeune femme de