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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/213

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plus grand besoin, plutôt que de céder. Et, ce soir-là, elle dit tout simplement à Marcelle, en décrochant la toile :

— Cours vite porter cela aux Dodelaud ; explique-leur que j’ai réfléchi, que je laisse mes fleurs pour quatre louis ; ils vont te payer sur-le-champ ; cela nous tirera d’affaire pour le moment.

— Ne pourrais-tu envoyer Brigitte ? répliqua Marcelle.

À ce moment, l’amour était en elle comme une démence, comme une ivresse. Il lui semblait qu’elle baignait dans le feu, dans la lumière, dans le soleil, et que tout ce qui se passait en dehors de son cœur, tout ce qui n’était pas Nicolas, c’était la nuit, les ténèbres ; pire, c’était quelque chose d’infime et de méprisable. Jenny Fontœuvre était outrée. Jamais elle n’aurait soupçonné chez Marcelle un tel manque de cœur. Elle attrapa le tableau par le châssis et s’en fut elle-même chez les Dodelaud vendre pour quelques francs son œuvre préférée.

Cependant, toute une semaine, elle s’éreinta en ces courses continuelles de la rue d’Anvers au quai Malaquais. Madame Nugues l’aidait parfois dans ses veilles, mais le bébé empêchait qu’elle pût disposer de son temps. D’ailleurs son travail de catalogue l’occupait à la journée près de son mari, comme une artisane. Au premier argent qu’ils touchèrent, ils apportèrent du champagne