Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/219

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Aujourd’hui la seule pensée qu’en un point précis de cette immensité, au fond d’une chambre lumineuse, il travaillait en silence, la plongeait dans une extase.

Tout d’un coup, elle reprit sa course comme une hallucinée, descendit en hâte les escaliers. À la première station de voitures, elle prit un taxi-auto et donna l’adresse d’Houchemagne.

Ces dix jours sans sommeil, presque sans nourriture, l’avaient pâlie, et de plus, à cette minute, elle se transfigurait. Elle avait à ses lèvres minces un divin sourire, et ses yeux agrandis, angoissés par la passion, la rendaient parfaitement belle. Ce qu’elle faisait là, elle n’en savait rien ; elle allait à Nicolas, tout simplement, mais poussée par une telle puissance que rien au monde à ce moment ne l’aurait arrêtée. D’ailleurs, elle ne voyait aucun obstacle. Moralement, le chemin qui la menait à Nicolas était pour elle cent fois plus libre, plus uni, que les rues et les avenues ne l’étaient à la machine glissante et trépidante qui la précipitait vers l’homme qu’elle aimait. Elle sentait avec délices diminuer la distance. En traversant le boulevard, elle eut un petit choc au cœur ; elle en eut un second en passant la Seine ; elle arriva.

— Madame vient de sortir, lui dit la femme de chambre. Madame a reçu une dépêche et elle est allée au téléphone pour avoir des nouvelles de monsieur de Cléden qui se meurt ; mais monsieur