Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/24

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Et elle courut à la salle à manger pour charger du message le petit François qui avait neuf ans.

On sonna. Brigitte, qui s’en allait aux commissions, ouvrit. C’était Nugues, le paysagiste, un petit homme fluet, tout en cheveux roux, serré dans un complet de velours bleu. Quand il entrait, on ne voyait que ses boucles rousses, sa longue barbe acajou, tandis qu’une forte odeur d’absinthe et de pipe se répandait dans la pièce. Aujourd’hui, il apportait un bouquet de violettes à madame Fontœuvre et il l’embrassa.

— Que vous êtes sot d’avoir dépensé vingt sous pour moi ! dit la jeune femme. Vous auriez mieux fait de vous payer une choucroute, mon pauvre Nugues.

Maintenant, il embrassait Fontœuvre à gros baisers sonnants, et il murmurait :

— Ta femme qui croit qu’en un jour comme celui-ci, on a un pareil bouquet de violettes pour vingt sous !

Mais les Fontœuvre, ravis de pouvoir obliger un ami, s’empressaient de le présenter à Addeghem. C’était Nugues, un garçon de très grand talent ; tout le monde connaissait de lui ces jolis paysages faits de taches multicolores : Addeghem hochait la tête. Oui, en effet, il croyait avoir vu ; c’était très distingué, très mystérieux. En fin de compte, il s’embrouilla. On comprit qu’il parlait d’un autre. Nugues, mortifié, mordait sa moustache rouge. C’était un pauvre diable qui logeait