Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/25

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dans un garni et travaillait à tour de rôle dans les ateliers des camarades, lorsqu’il n’était pas à peindre au bord de l’eau à Meudon ou à Nogent. Royalement, il se faisait nourrir par les amis, n’ayant jamais voulu s’abaisser à crayonner pour deux louis un dessin industriel, et, quoique d’une petite inspiration, demeurait un peintre inspiré que grandissait sa foi dans son art.

Soudain, comme Jenny Fontœuvre allumait elle-même les lampes, trottinant, glissant sa menue personne parmi les petites tables, Addeghem demanda négligemment :

— Avez-vous quelquefois entendu parler d’Houchemagne, Nicolas Houchemagne ?

Et comme ni les Fontœuvre, ni le paysagiste ne connaissaient ce nom, il précisa :

— Un jeune qui a un mérite inouï. C’est Vaugon-Denis, le marchand de tableaux, qui me l’a présenté. Vaugon-Denis prépare en ce moment, rue Laffitte, une exposition assez singulière des œuvres de cet Houchemagne, qui a représenté les êtres surhumains, les différents génies de toutes les théogonies antiques et modernes. Il y a un Centaure tout à fait impressionnant, et aussi, dit-ont, un Ange chrétien. Comprenez-vous cela, un artiste du vingtième siècle qui peint des anges comme Fra Angelico ?

Nugues fit une grimace. Par politesse, Fontœuvre dessina un geste évasif. Jenny déclara :

— Oui, c’est drôle, des anges !