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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/242

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son écritoire, et déchira coup sur coup deux lettres trop aimantes, dont il trouvait l’hypocrisie indigne de lui. Le regret incessant qu’il avait de Marcelle, dès qu’il ne jouissait plus de sa présence, l’empêchait de dormir et rendait ses nuits pénibles. Plutôt que de se coucher, il monta à son atelier, l’éclaira et vint s’arrêter devant son tableau.

La toile demeurait toujours ce qu’elle était. cinq jours auparavant, quand Jeanne était partie. Il n’avait pas non plus ajouté un trait à son étude du Christ. Comment, au retour de sa femme, expliquerait-il son oisiveté ? Il essaya de se recueillir. Dans le mystère de cette nuit silencieuse, — il était environ une heure du matin, — il lui semblait que le désordre de sa vie intérieure allait s’apaiser, que les pures idées si nettes, si calmes, d’autrefois, l’illumineraient de nouveau. Et il se prenait le front à deux mains ; mais sa conception même le fuyait. Il ne pouvait plus avoir d’autre souvenir que celui de Marcelle. Toujours il voyait apparaître le délicat visage hermétique à la minute précise où le sourire en détendait les traits, en livrait le mystère. C’était comme une hallucination. Il lui semblait qu’en avançant la main, il aurait touché Marcelle.

Alors il supputait les jours. Encore une semaine et, les funèbres cérémonies terminées, Jeanne reviendrait. Il avait le temps, en donnant un effort excessif, de parachever son Christ pour