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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/243

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montrer à sa femme un travail en apparence normal. Et il reprit son fusain pour ajouter, dès cette nuit, quelques traits à la silhouette encore indécise. Mais les préoccupations de l’appartement choisi la veille l’assaillirent. C’étaient, dans une maison neuve, derrière le Panthéon, deux grandes pièces blanches au rez-de-chaussée, où les amants se leurreraient de leur union illusoire. À prix d’or, il avait obtenu d’un tapissier que ce logement fût prêt le lendemain. Le serait-il ? Marcelle trouverait-elle, en arrivant, la douceur, le bien-être qu’il désirait ? Aussitôt, l’espoir de cette première rencontre, de cette matinée d’ivresse dans ce logis immaculé, lui donna un battement de cœur. Ses bras s’ouvrirent. Il se surprit à prononcer des mots de tendresse. Et à ce moment, debout devant sa toile, il vit enfin ce grand dessin noir, ce Christ si pur, si compatissant qui était son œuvre, qu’il avait créé dans la sérénité, quelques jours plus tôt. Un désespoir le prit ; il jeta le fusain qui se brisa, et s’abattit sur une chaise, si torturé de l’horreur de lui-même, qu’il lui semblait ne pouvoir continuer à vivre.

Quand ils arrivèrent rue de l’Arbalète le lendemain, ils ne furent pas seuls des ouvriers posaient, aux grandes fenêtres, les rideaux de mousseline blanche qu’il avait voulus pour accentuer en ces deux pièces le caractère virginal de jeunesse dont il voulait envelopper toujours son enfantine maîtresse. Elle exultait, admirait tout,