Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/244

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pleurait de joie. Mais Nicolas venait d’être serré au cœur par une atroce pensée, en voyant travailler les ouvriers, en entendant planter les derniers clous. Tout ce luxe qu’il avait choisi pour Marcelle, ces tapis de Perse si clairs, si coûteux, ces tables laquées qu’il avait exigées d’un xvi siècle authentique, ces délicats fauteuils recouverts de brocart blanc, ce lit copié sur celui de Trianon, et qui était une folie, ce n’étaient pas ses minces ressources d’artiste désintéressé qui les solderaient. Lui qui, sans besoins personnels, s’était livré à son art ingénument, en dehors du moindre souci d’argent, lui qui, des mois entiers, s’absorbait dans l’exécution de grandes toiles invendables, sûr de n’en tirer jamais un profit matériel, et qui, de ce fait, ne possédait strictement rien en propre, venait de s’engager sans calculer en des prodigalités qu’il ne pouvait même apprécier. Comment admettre que la fortune de Jeanne les supporterait ? Mais comment s’acquitter autrement de ses dettes ? Et de nouveau toute la lie de son trouble bonheur lui remontait aux lèvres.

— Ah ! que je suis heureuse ! que je suis heureuse ! répétait Marcelle, extasiée.

Dès qu’ils furent libres, elle courut à lui les bras ouverts ; mais lui, tout frémissant et caressant seulement ses mains :

— Si tu voulais, aujourd’hui tu serais seulement ma petite fille, une petite fille douce et