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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/245

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docile comme tu sais l’être et avec qui je causerais paisiblement. Notre pauvre vie amoureuse commence, Marcelle, douloureuse, misérable d’être si coupable ; pourtant, il faut que nous l’ordonnions pour le moindre mal, que nous ne ménagions pas les sacrifices qui purifient ; il faut que Jeanne ne souffre pas ; il faut que nous sachions quelquefois nous sevrer l’un de l’autre pour qu’elle puisse conserver l’ignorance de son abandon. Veux-tu ?

Marcelle se redressa, toute blême.

— Est-ce que moi je ne souffre pas par elle ? Si tu ne lui étais pas lié, est-ce que je ne t’aurais pas tout entier, à la face du monde ? Pense que tu m’aimes, toi le plus grand artiste du siècle, et que je n’ai même pas l’orgueil de le dire à cause de cette femme ! Ne serait-ce pas son tour de souffrir ? Tiens, pour me venger d’elle, je voudrais presque qu’elle nous surprit, qu’elle comprît bien que ta vraie, ta seule amante désormais, c’est moi !

Et Nicolas malgré lui, en serrant Marcelle contre son cœur, éprouvait un désir semblable qui l’épouvantait.

— Ma chérie, je t’en prie, rachetons un peu de notre faute par un effort sur nous-mêmes. Si tu voulais, avant le retour de Jeanne, nous ne nous verrions plus et je tâcherais de travailler pour qu’elle ne s’inquiétât pas d’une inexplicable inaction, pour qu’elle trouvât, dans la progression