Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/246

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de mon œuvre, une compensation à ses peines.

Marcelle le regardait fixement.

— Comme tu es bon, toi ! finit-elle par dire avec une sorte d’envie.

C’était donc décidé, durant la semaine entière ils se priveraient de toute rencontre. Elle en venait, par servilité féminine, à accepter, sans rien. y comprendre, cette loi du sacrifice que son amant lui imposait. Lui comptait non seulement utiliser cette séparation pour son œuvre, mais se plonger dans cette souffrance avec tout l’élan de sa nature mystique, comme s’il devait laisser, au fond du bain douloureux, la honte de son adultère.

D’ailleurs, dès ce matin-là il trouva sa récompense. Il put écrire à Jeanne une lettre débordante de pitié, une lettre sincère, jaillie de son cœur, qui, une fois partie, lui laissa un peu d’apaisement. Et remontant alors à son atelier, il retourna aux esquisses qu’il avait faites d’après des modèles divers un jeune Grec, entre autres, fourni par Vaupalier, et un vieil Italien familier des Beaux-Arts. En deux heures, avec sa facilité coutumière, il eut construit, de son dessin à la fois ferme et doux, une tête de Christ définitive. Sa nuit fut longue, sans sommeil, hantée par l’image de Marcelle, et la lutte commença dès le matin, quand vint l’heure où elle se rendait à l’atelier et où il pouvait au moins, rien qu’en descendant, l’apercevoir dans la rue. Cependant il ne faiblit pas, et, pour chercher une diversion