Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/247

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à son désir, revint à sa toile pour la revoir au jour.

Mais à son chevalet, un cri de douleur lui échappa. Où était le divin visage de ses rêves ? où était la divine mansuétude, la divine noblesse capable de faire trembler la foule, la divine toute-puissance ? Qu’avait-il fait ? Nul ne frémirait jamais devant cette tête banale, nul ne pleurerait. Aucune émotion ne ravagerait les âmes à la vue de son tableau.

Et frénétiquement, d’une boule de mie de pain, il effaça son travail de la veille ; dès lors le Christ apparut drapé dans les plis de la tunique, avec le geste impérieux du Tout-puissant, et une large tache grise semblant masquer la tête.

Plus de deux heures, Houchemagne demeura accablé devant sa toile, triste comme un damné, effrayé par l’obligation de travailler malgré tout, d’avoir à produire, dans un délai irrévocable, un labeur au-dessus de ses forces. Jeanne reviendrait, Jeanne allait revenir ; que dirait-elle devant cette figure informe ?

De tout le jour suivant, il n’eut pas le courage d’entrer dans son atelier. Le besoin de revoir Marcelle le tourmentait de plus en plus ; mais il résistait à la tentation, sûr que cette victoire le relèverait un peu de sa déchéance. Cependant, l’après-midi, il courut s’enfermer rue de l’Arbalète, et c’était dans le désir inavoué qu’elle y viendrait peut-être. Et le soir, l’attente l’avait