Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/26

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— Un gentil garçon, un très gentil garçon, continua le grand homme, et qui a déjà sa légende. C’est un fils de paysans. Il a appris à peindre chez un ornemaniste, n’a jamais franchi le seuil des Beaux-Arts, s’est fait lui-même, quoi ! — et avec cela, beau comme un Titien. Je suis un vieil idiot, j’aurais dû vous l’amener ce soir, il vous aurait beaucoup plu.

— Mais, cher maître, dit Fontœuvre pour faire sa cour, il n’est peut-être pas encore trop tard. Nous serions enchantés de le connaître.

— Eh bien ! c’est une idée ! fit en toute simplicité Addeghem ; envoyez-lui donc un bleu pour le prier à dîner ce soir. Puisqu’il y en a pour moi, il y en aura bien pour lui, n’est-ce pas, madame Fontœuvre ? ajouta-t-il avec son sans-gêne d’homme adulé qui sait flatter les gens en se mettant à l’aise chez eux.

Ce qu’il n’avouait pas, c’est que Vaugon-Denis lui avait montré le Centaure d’Houchemagne, et qu’il en avait une envie, un désir frénétique de vieil amateur passionné, et qu’il voulait se le faire offrir à force de bienveillance excessive pour le jeune homme que le marchand de tableaux luit avait recommandé. Il le protégeait ostensiblement. Il le prônait partout, chez les bourgeois pour lui procurer des commandes, chez les artistes pour lui recruter des disciples. Il fallait qu’on pût dire un jour : « C’est Addeghem qui a fait Houchemagne. » Il fallait surtout qu’Addeghem eût le Centaure.