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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/252

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tendresse rendaient augustes. Nicolas, dans son désespoir, le comprit : c’était la plus noble partie de lui-même qui lui revenait ce soir. Ils s’embrassèrent longuement. Toutes les paroles. de Jeanne étaient des mots d’amour. Elle n’avait pu demeurer là-bas plus longtemps ; elle ne pouvait vivre sans Nicolas. Elle avait eu comme un pressentiment qu’il était triste, qu’il avait besoin d’elle. Alors, sans écrire, sans même télégraphier, sans vouloir surtout s’occuper de régler aucune odieuse question d’intérêt, elle était revenue par le train le plus rapide. Ah ! qu’elle avait souffert dans cet affreux voyage ! comme elle avait été privée de son appui unique pendant ces déchirantes scènes de la fin, les adieux à son père mourant, à son père mort !

Nicolas répétait, comme hébété :

— Ton pauvre père ! ton pauvre père ! Mais il est heureux, lui. Oh ! ne le plaignons pas !

— C’est l’idée de ton travail qui m’a soutenue dans mon chagrin, reprenait Jeanne. Maintenant, montre-moi ma récompense. Fais la lumière, veux-tu ?

Froidement, sans desserrer les lèvres, Nicolas obéit. Il y eut une seconde d’éblouissement, puis tout sortit des ténèbres ; la toile du chevalet avec le Christ sans visage, la grande composition où quelques taches marbraient la joue du petit. garçon, et la palette brisée d’où le vermillon avait lentement coulé sur le parquet en un caillot