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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/257

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— Mon vieux patron me grondera, reprit Hélène, car nous avions justement ce soir une ordonnance intéressante.

Jenny Fontœuvre laissait dire, très absente de là, absorbée depuis trois jours par la composition d’un linteau de porte que les Dodelaud lui avaient commandé pour leur magasin. On profitait des vacances pour l’aménager à neuf ; on voulait une décoration du xviiie siècle, mais dans une note un peu sévère. Elle cherchait depuis le matin son premier croquis une corbeille renversée laissant choir et rouler des poires, des pêches et des raisins. Mais il lui fallait des fruits d’une maturité, d’une qualité parfaites ; elle ne pouvait se contenter des malheureux avortons achetés par Brigitte, le matin, à un marchand des quatre saisons. Elle le lui dit encore quand la vieille bonne vint se plaindre de ce que le potage refroidissait.

— Je ne vous comprends pas, Brigitte ; vous qui êtes un peu du métier, que voulez-vous me voir faire avec ces fruits de gueux !

— Tiens, nous les croquerons ! reprit Pierre Fontœuvre avec son accent méridional.

Lui se trouvait fort heureux. Les vacances avaient suspendu ses cours dans les pensions suburbaines, et, au Jardin des Plantes, venaient de naître trois petites panthères dont les grâces l’avaient séduit. Du coup, il tenait son Salon pour l’année prochaine, avec cette famille de félins qui ravirait le public.