Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/264

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les bruissements venus du cabinet voisin où dormait Marcelle. N’était-elle pas agitée ? Reposait-elle tranquille comme une gamine de dix-sept ans sans soucis ? Au réveil, elle scrutait sa mine ; à table, les jeux imperceptibles de sa physionomie muette. Puis, à la fin des journées, sans l’interroger directement, elle essayait de reconstituer l’emploi de son temps. Marcelle disait avoir été au Louvre, chez Blanche Arnaud, puis chez cousine Jeanne pour la leçon d’Houchemagne, ou bien avec la Russe, sa compagne d’atelier, pour des études de plein air à Meudon, à Saint-Cloud. Si, au lieu d’aller à la pharmacie, Hélène avait pu la suivre !… Et Marcelle lui semblait plus triste que jamais ; plus belle aussi ; les épaules frèles s’élargissaient, le col si long de fine statuette prenait une rondeur, une noblesse parfaites, une chair de neige ; et par moments les yeux verts s’alanguissaient, se fixaient dans l’espace, et Hélène y retrouvait déjà un passé douloureux comme il y en avait un dans les yeux flétris de sa vieille grand’mère. Mais le monde inconnu qui était au fond, Hélène n’y pouvait pénétrer.

Quelquefois cousine Jeanne venait après dîner et restait tard pour attendre Hélène qu’elle affectionnait particulièrement. Elle souffrait d’un mal dont elle ne se plaignait pas, qu’on voyait seulement à sa pâleur, à l’amaigrissement de ses traits. Mais son divin sourire était toujours le même, en