Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/267

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— Viens plus souvent lui demander conseil ; viens le faire causer de son art ; ta présence le rassérène ; il n’y a que ta jeunesse qui lui agrée.

Mais ce qu’elle dérobait farouchement à tout le monde, c’était cette inertie où il était tombé. Elle en rougissait comme d’un opprobre ; que le demi dieu connut la lassitude, l’incapacité, et que le public, l’apprenant, conçût pour lui de la pitié, était-ce possible ? Même chez les Fontœuvre, elle mentait, racontant qu’il était de plus en plus absorbé dans son œuvre gigantesque.

Près de Nicolas, elle tenait son rôle d’épouse rebutée avec une dignité, un tact qu’il analysait en se maudissant davantage. Elle cachait ses larmes, s’écartait de lui sans ostentation, lui ménageait des heures de solitude, se retenait. même de l’exhorter, ne lui rappelait pas l’œuvre abandonnée. Elle s’effaçait humblement. Elle n’était plus dans la maison qu’une ombre discrète, présidant en silence au fonctionnement matériel des choses. Seulement sa santé s’altérait, et aussi sa divine beauté, qui semblait n’avoir fleuri que pour le plaisir de l’Idole, et destinée à s’effacer dès que l’Idole s’en détournerait.

Cependant sa désolation n’échappait pas à Nicolas. Plus cette douleur était muette et cachée, plus elle le torturait, au contraire de ce qu’on aurait pu croire. Cette patience supérieure le mortifiait plus qu’aucun sarcasme, l’atteignait à la plaie même de son âme. Alors, il devenait dur et