Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/270

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de ces rencontres mystiques une douceur qui se répandait sur toutes les journées de Nicolas. Ce fut au soir d’une de ces journées que Jeanne, rentrant de courses s’approcha de son mari toute frissonnante, avec une humilité, une crainte qui emplit de pitié Nicolas.

— Ma pauvre Jeanne, qu’as-tu donc ? dit-il affectueusement.

Alors, il s’aperçut qu’elle portait un paquet, une sorte de boîte. Elle la lui donna. Il l’ouvrit, c’était une palette. Il ne s’emporta pas comme elle le redoutait ; il lui demanda seulement, d’un air accablé :

— Tu veux donc que je recommence à peindre ?

Elle joignit les mains d’un geste de prière, mais ne put répondre, tant sa gorge se serrait. Alors, le souvenir revint à Nicolas des années sereines où elle avait été son inspiratrice, la gardienne de son œuvre, l’aiguillon de son labeur, l’idéal de son esthétique, la tutrice de son génie. Pouvait-il oublier tout cela ? Pouvait-il refuser à la pauvre sacrifiée un geste de bonté tardive ? Et il lui promit spontanément d’essayer une reprise de travail.

— Pour te faire plaisir, tiens, je tenterai demain une nouvelle expérience.

C’était plus qu’elle n’espérait. Il était sauvé s’il reprenait ses pinceaux. Car elle ne pouvait admettre qu’un tel génie pût subir, plus qu’une