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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/271

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transitoire éclipse. Sa joie était telle, qu’Houchemagne, à la contempler, retrouva une heure de paix.

Le lendemain il sortit, sous le prétexte de chercher un modèle nouveau pour son Christ. En fait, il se rendait rue de l’Arbalète. Marcelle l’y attendait, toujours la première au rendez-vous, quoi qu’il fit pour la devancer. Il arrivait, en ce jour d’exception, allègre et serein, exonéré de remords par la concession qu’il avait faite à Jeanne. Il s’amusait à soulever Marcelle dans ses bras, comme un petit enfant, à la porter d’une chambre à l’autre, en riant de sa folie. Il lui disait :

— Est-ce que tu ne me trouves pas vieux ? Ah ! que j’aurais voulu, à cause de toi, avoir l’âge de Daphnis, avec le sourire de ton adolescence ; tandis que, regarde, ma barbe grisonne, des rides me brident les yeux. Je suis ton amant, pourtant, ton amant plus tendre et plus conscient que je ne l’aurais été à vingt ans. Je t’aime avec tout mon passé.

Elle le contemplait, toute frissonnante.

— Oh ! Nicolas, je ne souhaiterais pas que tu fusses autrement.

Il lui disait encore :

— Mon passé, je voudrais te le faire connaître ; il a été étrange et comme cloîtré dans un long rêve. À partir de treize ans, j’ai vécu dans une ivresse qui me séparait du monde. Et avant treize ans, je n’avais eu que le goût des oiseaux. La