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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/277

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— Ah ! disait Marcelle, que j’aurais voulu connaître le petit garçon que tu as été ici !

D’abord, il l’entraîna vers la Seine, car c’était là que reposaient ses souvenirs les plus vifs. Elle est, à cet endroit, large et rapide. Le dernier des ponts à péage pose au fond de son lit, en faisant mille remous à la surface, les jambages de ses piles, dresse au-dessus des eaux l’arc détendu de son tablier, et encore au-dessus, élève son aérienne armature, semblable à un dais à jour d’où retombent des cordons d’acier. Au loin, sur l’autre rive, on aperçoit les collines bleues à la courbe molle et douce ; et, ce matin-là, le soleil discret de l’automne poudrait d’or, sans les transpercer, les vapeurs des lointains où se perdaient les berges vertes.

— Tu vois, disait Nicolas, dès sept ans je venais ici, les matins d’été, me baigner tout nu avec les autres gamins de l’école :

Marcelle, pensive, souriait en regardant l’eau.

— Quelles étaient tes idées alors ? demandait-elle, à quoi rêvais-tu ? que désirais-tu ? Pour moi, quand je me reporte à cet âge, je retrouve un immense tourbillon d’envies, de curiosités, de vanités. L’ambition d’être jolie, qui m’attardait indéfiniment devant la glace, était le sentiment le plus continu ; mais les autres se chevauchaient, se pourchassaient, se succédaient, sans consistance, comme ces flocons de neige qui se harcèlent s’empressent tant, et finissent par s’évanouir si vite. C’est drôle une petite fille.