Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/278

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— Moi, j’avais des idées fixes et tenaces, disait Nicolas. Par exemple, l’espoir d’une baignade m’occupait deux jours. Ou bien je fabriquais un sabre avec deux morceaux de bois, je mettais une ceinture à ma blouse, un bonnet de papier sur ma tête, je suivais, avec cinq ou six autres polissons le plus grand d’entre nous qui avait un clairon, et nous faisions résonner du bruit de nos galoches le pavé inégal de la Grande-Rue, Alors je ne pensais à rien ; seulement un instinct violent et énorme me remplissait de jouissance ; c’était un désir indéfini de bataille, comme une rêverie dans le tonnerre. Les jours où le fils de l’épicier me prêtait son tambour, j’allais droit devant moi, jouant des baguettes, répandant par les rues un tapage infernal. Encore là je ne pensais à rien ; mais ce tintamarre qui me semblait sortir du bout de mes doigts, qui émanait de moi et remplissait toute une ville, c’était une volupté, un triomphe de petit chef. Si je n’avais craint d’être fessé pour arriver en retard, je ne me serais pas arrêté. Au printemps, je pensais à posséder les nids des oiseaux, et c’était un désir latent qui me faisait souhaiter constamment la fin de la classe. Ah ! je n’étais pas compliqué !

Il se perdait dans ce passé lointain. Puis, tout à coup, saisissant le bras de Marcelle :

— Viens voir maintenant ma maison.

Il lui fit monter une des rues étroites qui escaladent l’amphithéâtre de la petite ville ; l’église à