Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/282

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Marcelle, qui avait trouvé dans un tiroir les fourchettes de fer et finissait de dresser la table, les écoutait en allant et venant. À ce mot-là, elle vint s’asseoir sur une chaise de paille, auprès d’eux.

— Mais, monsieur Houchemagne, mon cousin. ne travaille pas pour s’enrichir. Les œuvres qu’il fait sont non seulement son bonheur, mais celui de tout un monde ; il vient des gens de tous les pays pour les voir ; on les aime ; on aime Nicolas pour les avoir faites : croyez-vous qu’il ne soit pas déjà payé ?

— Quelques billets de mille en plus ne nuiraient pas, fit le bonhomme très grave ; mais je sais que Nicolas n’est pas « intéressé ». Puis, il a beau être plus grand que moi, il est de mon sang n’est-ce pas ; et moi aussi, je travaillerais pour le plaisir, quand cela ne devrait pas me rapporter un centime.

— Je ne suis pas plus grand que vous, père, riposta Nicolas, que l’émotion gagnait de plus en plus.

À ce moment, le vieux s’en alla au fourneau : « Il ne faut pas laisser brûler la fricassée », disait-il d’un air recueilli. Et toute sa vie limpide se représentait d’un coup au yeux de Nicolas, qui le revoyait jeune, beau paysan de trente ans, aux côtés de sa femme, cette jolie brune potelée, un peu indolente, ne se plaisant qu’à coudre sur le seuil de sa porte. Jamais le père ne l’avait