Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/284

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vendange, comme celui-ci, la langue déliée par le vin, parlait librement à son fils de vingt ans, il lui avait dit :

— J’ai eu une bonne femme, vois-tu, et je n’en ai point voulu d’autre ; ce que j’ai gagné avec ta mère, qui était économe, ç’aurait-il été bien de le manger avec une gueuse qui ne l’aurait point value ? Non, je n’ai plus besoin de cette engeance, ni de jeune, ni de vieille. Quand je ne pourrai plus faire mon tripot, je prendrai un gosse pour m’aider.

La maison paternelle, en recevant Nicolas dans sa maturité, lui redisait toutes ces choses qu’il pouvait entendre complètement aujourd’hui. Et il lui semblait qu’elle lui demandait compte de sa vie, de tous les bienfaits moraux dont elle l’avait enrichi. À ce moment, le père Houchemagne, déposant sur la table la casserole fumante, disait :

— Si ma bru était venue aussi, ça aurait encore été mieux, mon fils.

Alors Nicolas, qui, juste à ce mot-là, faisait asseoir près de lui sa jeune maîtresse, éprouva soudain une angoisse mortelle. Qu’avait-il fait ! Voilà donc la réponse qu’il apportait à la grande voix familiale qui, brusquement, l’interrogeait. par tous les souvenirs, tous les objets, par le seul aspect du vieux vigneron à la rude honnêteté ? Il amenait ici son adultère, son péché. À la table de famille, à cette table maternelle, témoin de