Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/286

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docilité, cette parole paternelle qui, à son insu, s’imposait à lui impérieusement. Et peu à peu, la figure de la femme trahie et délaissée se dressait devant lui plus belle, plus grande qu’il ne l’avait jamais vue.

Au dessert, comme il se retournait vers Marcelle, il lui vit les yeux pleins de larmes qu’elle retenait. Alors il éprouva une telle pitié pour cette malheureuse petite fille, qu’il n’eut plus qu’une idée, l’emmener d’ici, l’emmener avec lui dans le grand paysage apaisant de son enfance, la consoler.

Quand le père eut achevé son café, qu’il buvait religieusement, sans mot dire, comme font les paysans, ils le quittèrent, et Nicolas fit gravir à Marcelle le chemin du cimetière, puis d’autres routes montantes, isolées dans la campagne. Il avait pris son bras, il la serrait contre lui sans rien dire. En arrivant à une plate-forme, reste d’anciennes carrières épuisées, ils s’arrêtèrent. Au-dessus d’eux, c’étaient les bois. Au-dessous, la colline dévalait jusqu’au fleuve, dont on voyait les méandres, les îles, sur une longueur de plusieurs kilomètres. Le temps était devenu parfaitement clair. Sur les coteaux de l’autre rive, ou distinguait pour le moins cinq ou six villages dispersés.

Nicolas s’assit sur un bloc de pierre abandonné au fond de la carrière ; Marcelle était demeurée devant lui ; elle lui demanda :

— Pourquoi m’aimes-tu ?