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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/287

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La poitrine oppressée, il la regardait. Il répondit en se contenant :

— Je t’aime parce qu’il y a en toi une gloire qui m’éblouit, la gloire de ta fraîcheur, de ta jeunesse, de ton amour.

Elle reprit :

— Je ne suis pas belle, moi ; je ne suis pas bonne, moi ; je ne suis pas vertueuse, moi ; je suis une fille perdue ; et j’ai bien senti tout à l’heure, chez ton père, que, dans le fond de ton cœur, tu me reniais. Oui, tu m’as reniée, Nicolas ; ne t’en défends pas.

— C’est notre péché que j’ai renié quand je pensais à celle que j’ai abandonnée… Mais toi, je suis orgueilleux de toi, je t’aime tellement, que je me sens comme un dieu en te contemplant.

— Pourquoi m’aimes-tu ?

— Je t’aime pour ta souffrance ; car je te broie sans cesse. Mon remords, je n’ai pas la force de le porter seul, je le fais peser sur ton cœur. Et je suis seul coupable cependant. Moi, j’étais la conscience. Quand tu m’as aimé, je devais me défendre, t’éclairer, ne pas tomber dans la tentation de ton enfantine tendresse, de ton inconscience. Elle le vit cacher sa tête dans ses mains, éclater en sanglots. Elle le regardait, les yeux secs, toute pâle seulement et secouée d’un tremblement. Il parlait dans ses larmes. Elle se pencha pour comprendre ce qu’il disait. Elle entendit ces mots entrecoupés de spasmes :