Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/290

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— C’est parce que je t’aime beaucoup, assez pour être capable de cela. Tu retourneras à cousine Jeanne ; tu retrouveras le calme, le travail. Cousine Jeanne, tu comprends, je n’ai contre elle nul motif de haine, et tu m’as fait assez sentir qu’elle était meilleure que moi. Moi, je ne vaux pas grand’chose, mais je t’aime tant, je t’admire tant, que je voudrais être bonne pour te ressembler. Je veux bien cela, te quitter pour que tu retrouves la paix.

— Le pourrions-nous, Marcelle, quand même nous le voudrions ? Tant que nous respirerons et que nous nous sentirons si proches, serons-nous assez forts pour ne pas courir l’un à l’autre ?

— Oui. Tu auras, toi, le sentiment d’une délivrance ; moi, je saurai ta souffrance finie.

— Ah ! dit Nicolas, je suis parvenu à un point où l’on voit que joie, plaisir, bonheur, ou bien souffrance, déchirement, mort même, ne sont rien, où il n’y a plus que le bien et le mal. Je vois les valeurs de tout. Souffrir m’est égal, et je ne suis pas un fou. Je ne suis plus qu’une conscience. Oui, tout mon être, toute ma chair, tous mes os, tout mon sang, il me semble, participent à mon discernement impitoyable.

Marcelle commençait, par la sympathie de sa passion, à comprendre tout de cet homme si distant d’elle. Elle lui prit les poignets et, l’égalant presque pour la taille, elle plongeait dans les yeux affolés de Nicolas ses yeux ardents.