Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/294

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traits. Elle ne lui demanda même pas si sa promenade avait été agréable. Il lui semblait être à côté d’une étrangère ; pire, d’une ennemie.

Le dîner fut pénible. Après s’être forcée à avaler quelques cuillerées de potage, pour mieux donner le change sur l’affreux état de son cœur, Marcelle, étranglée par la douleur, dut se retirer dans sa chambre. Jenny Fontœuvre, un peu fâchée, déclara qu’Houchemagne l’avait sans doute entraînée dans quelque course exagérée, et que c’était une folie de l’avoir fatiguée ainsi. Hélène, pour qui cette journée représentait le troublant mystère de l’amour lui-même, restait distraite, absente, emportée par un sentiment de colère contre la cadette qui l’avait trompée.

— Il n’y a rien à faire ce soir à la pharmacie, dit-elle, au dessert, mon patron n’a nul besoin de moi, je reste.

Et elle prit un ouvrage de couture. Au fond, elle n’était retenue que par la dévorante curiosité de déchiffrer Marcelle. Car Marcelle souffrait, elle en était sûre, et une certaine compassion adoucissait même la sévérité, l’indignation de l’aînée.

Quand, avant de se mettre au lit, Jenny Fontœuvre voulut aller voir Marcelle, celle-ci était déjà couchée. Le mince corps s’allongeait sous les draps, rigide, immobile : les bras étaient noués au-dessus de la tête ; les yeux grands ouverts, qui regardaient dans les ténèbres, clignèrent à l’irrup-