Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/299

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remettre entre ses mains et lui confier sa nouvelle destinée.

Jeanne fut terrifiée tout d’abord, à le voir, car elle était de ces épouses maternelles tout occupées de celui qu’elles aiment, et habituées à se désintéresser d’elles-mêmes pour épier chez leur mari les moindres indices de joie, de peine, de santé ou de mal. À peine si ce matin Nicolas était reconnaissable. De plus, l’indifférence qu’il se sentait à l’égard de celle qui lui coûtait son bonheur, était lisible en sa physionomie déjà éteinte par l’excès de souffrance. Néanmoins, il s’avançait délibérément vers sa femme, avec l’illusion que, de l’acte de sa volonté, dépendait l’abolition de sa faute, et qu’il appartient à l’homme coupable d’annuler les conséquences du mal commis.

Elle lui tendit les bras. Il prit froidement sa main, et il regarda un moment, sans parler, cette main charmante qui était une des perfections physiques de Jeanne, et dans laquelle il voyait, lui, le secours, l’appui d’un être supérieur s’offrant à lui.

— Jeanne, dit-il enfin, j’ai été bien dur pour toi, veux-tu me pardonner ? veux-tu m’accueillir comme un malade, veux-tu soigner mon âme ?

Jeanne l’écoutait interdite, rayonnante de bonheur, à ce point que, dans l’instant, son visage s’illumina de toute l’ancienne et divine beauté. Elle ne put rien répondre, tant l’émotion la paralysait, mais elle attira la main qui tenait la sienne,