Aller au contenu

Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/318

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Mais elle se désintéressait bientôt de la peinture. Depuis que ses doigts engourdis ne lui permettaient plus de travailler, elle devenait parfois une vieille femme casanière et occupée d’intrigues. Elle questionna Jenny à brûle-pourpoint :

— Qu’est-ce qu’a donc François tous ces temps-ci ? Vous savez qu’il n’est guère gentil pour ma pauvre petite. On ne le voit plus, et il est, quand on le voit, d’humeur intraitable.

— Ah ! si vous croyez que François me fait ses confidences, vous vous trompez bien, mademoiselle Angeloup !

Pendant ce temps, Marcelle pleurait seule dans sa chambre. Elle pleurait à petits sanglots, sans tapage, sans violence, sans rien qui excitât la curiosité de personne. On ne l’entendait pas, et comme on avait mieux à faire qu’à s’occuper d’elle, l’indiscrétion des siens n’était pas à craindre. Elle ne touchait pas un pinceau, pas un crayon. Elle restait absolument oisive du matin au soir, perdue dans le souvenir de Nicolas. Chaque jour elle descendait un peu plus dans les régions profondes de la douleur, et connaissait des tourments nouveaux. Parfois son jeune sang avait de terribles révoltes, et d’autres fois, elle pleurait d’un cœur doux et soumis l’abandon de Nicolas. Mais le plus puissant de tous les sentiments qui se succédaient dans son âme, c’était la stupeur, une stupeur qui la clouait sur place, comme foudroyée par un orage soudain, une stupeur à