Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/32

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

hésiter ? Ma petite Fontœuvre, tu es gentille, il faut que je t’embrasse.

Alors, elle ôta son chapeau, se mit à l’aise ; et, après avoir renvoyé le valet de chambre en lui faisant dire qu’elle ne rentrerait qu’à onze heures, elle alla demander une cigarette à son vieil ami Addeghem. Aussitôt, tout le monde fuma, sauf Jenny Fontœuvre qu’un lambeau de respect pour les convenances mondaines, datant de son éducation provinciale et sévère, avait toujours retenue devant la cigarette. Peu à peu le tapage s’enfla dans l’atelier. Sous les colonnes du Parthénon les trois enfants jouaient, et l’on entendait le ronflement sourd de la petite auto sur le plancher. Entre Addeghem, Nugues et mademoiselle Darche, une querelle artistique s’élevait. Jenny Fontœuvre et mademoiselle Angeloup s’y mêlaient. Lorsque Fontœuvre rentra, un nuage de fumée obscurcissait les lampes, et le bruit des voix était tel qu’il dominait le roulement des jouets mécaniques.

— Tu sais, lui dit sa femme à voix basse, Angeloup dîne.

— Et bien ! reprit-il sur le même ton, il faut garder aussi Nelly Darche.

— Et moi ? dit carrément Nugues, qui les avait entendus, est-ce qu’on me laissera m’en aller coucher sans souper ?

Tous riaient. On ne lui répondit même pas. Jenny Fontœuvre, alors, fit signe au petit François et l’entraîna vers la cuisine.