Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/325

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Chacun vivait sa vie pour soi ; celle du voisin, c’était une autre affaire. C’était bien naturel. On n’avait qu’à se débrouiller seul ; et, si l’on en était incapable, cela voulait dire qu’on n’avait pas droit à la vie.

— Je suis pressée, reprit Jenny, tu vois bien que le jour va me manquer tout à l’heure. Laisse-moi.

— Mais, oui, mais oui, je te laisse.

Elle ne remarqua pas le petit sourire supérieur et hautain qu’il lui adressait en se retirant ; elle avait les yeux sur le modèle toujours impassible sur sa sellette, comme un homme évanoui.

François revint s’enfermer dans sa chambre et revit, étalés sur sa table, les lettres, commandements d’huissiers, avis de banque, reçus depuis une semaine.

« Chacun pour soi, décidément », se dit-il encore en ricanant.

Il s’assit à sa table, relut de nouveau les papiers terrifiants, en fit un petit paquet, puis revenant à ses réflexions :

« Oui, si l’on ne peut pas vivre par soi-même, inutile de compter sur d’autres. Vivre, d’ailleurs, pour quoi faire ? prolonger l’écœurant ennui cinquante, soixante années ? rentrer au néant au bout de la fastidieuse corvée, sans compter les déceptions, les maladies, la douleur physique ! Je serais bien bon… »

Il fit encore là une assez longue pause ; puis, à