Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/339

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meyer examina un instant le modèle, un vieillard à longue barbe grise, maigre comme Saturne, puis se posta debout derrière Marcelle, sans rien dire.

On n’entendait pas un souffle. Les élèves étaient une trentaine, les unes courbées sur le chevalet, les autres, les yeux levés sur le grand corps nu du modèle que la fatigue faisait osciller doucement. Et toutes leurs toiles aux dimensions pareilles répétaient, dans l’hémicycle formé par les chaises autour de la sellette, les différents aspects du modèle. On aurait dit la succession d’images d’un film cinématographique. Les hautes fenêtres, les hautes boiseries ouvragées du xviiie siècle, avec leur douce peinture gris perle, répandaient un jour cendré où il semblait que la chair blanche du vieillard fût par elle-même lumineuse. La porte s’ouvrit toutes les têtes se retournèrent. C’était la massière qui entrait, en jaquette et en chapeau, très affairée à cause du concours semestriel qui devait s’ouvrir la semaine suivante. Il lui fallait parler au patron au sujet de la première épreuve, l’esquisse, qui se faisait en loge, avec les hommes. L’insuffisance des locaux donnait à murmurer. Elle aurait voulu obtenir des réduits moins inconfortables, où n’eussent manqué ni la lumière ni l’espace, et elle réclamait l’appui de Seldermeyer pour sa requête. C’était une charmante fille aux airs d’enfant, une blonde délicate qui dissimulait son autorité sous un