Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/34

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En passant, elle donna un coup d’œil au couvert qu’organisait la jeune femme de chambre de madame Dodelaud. Elle fit ajouter quatre assiettes et enfin gagna le petit cabinet où l’on dressait le lit de madame Trousseline à chacun de ses voyages à Paris.

— Maman, es-tu là ?

Une veilleuse crépitait sur la table, et à cette faible lueur, les pieds sur une chaufferette, serrée dans un châle, la vieille dame frileuse, assise dans un fauteuil, égrenait son chapelet. Son pâle visage reflétait la lumière de la flamme jaune qui flottait sur l’eau.

— Maman, comment ! tu restes à te morfondre ici, quand nous sommes tous dans l’atelier ! Viens donc, tu verras, nos amis sont très gentils.

— J’irai, mon enfant, dès que j’aurai fini mon chapelet.

— Ah ! oui, ton chapelet, fit la jeune femme avec sa condescendance d’artiste peu dévote. C’est égal, ce n’est pas d’une gaieté folle, ici, et cette lampe sépulcrale n’a rien de réjouissant.

— Je ne m’ennuie pas, ma chérie, je suis avec mes souvenirs, avec mes morts.

À l’imagination vive de Jenny Fontœuvre, ces simples mots évoquèrent des figures disparues : son père, le commandant Trousseline, son grand frère ; une sœur de dix-huit ans, et les bons vieux grands-parents ; tous peuplaient la petite chambre, invisiblement, y mettaient une tiédeur mysté-