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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/35

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rieuse. Attendrie, la jeune femme s’agenouilla devant sa mère, caressa les mains ivoirines et délicates où les rhumatismes douloureux faisaient saillir les jointures.

— Chère maman, viens donc avec nous ; tu es très décorative, tu sais ; tu es si jolie, si fine ! Nos amis t’aimeront beaucoup. Seulement, il faut que je te prévienne de la qualité de nos invités en faveur desquels tu seras forcée à beaucoup d’indulgence. Je veux dire que ce ne sera pas le cas d’exhiber tes grands principes, parce que nous avons ce soir la vieille Angeloup, qui a eu nombreux amants dans sa jeunesse et même après. Et aussi Nelly Darche, une fille aux pensées très hardies et qui ne se fait pas scrupule d’aimer un beau garçon quand ça lui chante. Oh ! c’est une honnête femme ; mais je lui ai connu jusqu’ici deux ou trois liaisons. Quant à Nugues, il est anarchiste, naturellement, mais c’est un si brave type ! Pour Addeghem, c’est un vieux viveur…

Ayant ainsi mis sa mère en garde contre les bévues possibles, madame Fontœuvre s’avisa tout à coup que la vieille femme, scandalisée par ce tableau de mœurs, allait se récrier. Mais non ; madame Trousseline se taisait. Un silence se fit dans la chambre mi-obscure. Toujours agenouillée, un sourire errant aux lèvres, la petite Fontœuvre revoyait les idylles successives de la grande Darche ; d’abord, à l’École, c’avait été un élève