Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/343

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l’amour ? En serais-tu venu à ne l’admettre que sous le manteau de la religion ou du mariage civil ? Non, n’est-ce pas ? tu n’as pas changé, tu es toujours celui que les aventures de Nelly Darche comblaient d’aise, et qui souriais d’indulgence à chacun de ses nouveaux amants. Mais c’est des jugements bourgeois que tu as peur. C’est à cela que se réduit ta belle morale. Car autrement, quel blâme peux-tu m’adresser ? et sur quoi le fonderais-tu ? Nous sommes deux êtres jeunes qui nous adorons. Où est le mal ?

— Pourquoi cet homme ne t’épouse-t-il pas ?

— Cela c’est son secret ; je ne puis vous le dire.

Ils en arrivaient à des imprécations vaines, dictées par la colère, sans trouver un argument qui pût toucher l’intelligente Marcelle. Alors, ils se cachaient même l’un de l’autre pour pleurer à la dérobée. Marcelle était comme sortie de leur cœur. Mais ne sachant sur quoi établir leur sévérité, et cherchant inutilement des raisons capables d’arracher leur fille à son amour, ils finissaient par tolérer sa conduite comme une fatalité. En somme, on existait sur ce tacite et douloureux accord. Et la virile Marcelle était heureuse, délivrée de la seule chose qui pesât à sa loyauté : un mensonge.

Ce jour-là, en arrivant dans les deux chambres blanches, elle laissa Nicolas parcourir des lettres reçues depuis la veille, et vint devant la glace,