Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/355

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férence mêlée d’orgueil. Il y avait de l’idolâtrie dans son amour, et il se glorifiait de s’être dépouillé du meilleur de lui-même pour le culte de Marcelle. Il pensait aux chambres blanches, au lit copié sur celui de Trianon, aux meubles précieux offerts à sa maîtresse…

Vaupalier reprit :

— Monsieur Addeghem a raison : l’Art est un reflet de l’époque où il fleurit ; il ne faut pas qu’un artiste entre en contradiction avec tout ce qui l’entoure, mais qu’il soit au contraire inspiré par le désir, par le besoin populaire. On ne fera plus d’Art religieux, mon cher, c’est fini ! D’où sortirait-il, et qui satisferait-il par nos temps de rationalisme irréductible ? L’Art, savez-vous où il ira chercher ses sources désormais ? Dans la religion de l’utilité. Oui, l’avenir trouvera des formes pour de belles usines, ou pour d’immortelles gares de chemin de fer ; et la peinture tournera toute au plaisir des yeux, à l’ornementation de l’architecture ; elle deviendra décorative. Voilà la vérité, Houchemagne.

Mais tout d’un coup, sous les cendres, la flamme d’autrefois se raviva en Nicolas ; il se rappela les ivresses qui avaient précédé l’exécution. de l’Ange, du Centaure, du Taureau ailé, ses extases d’Italie, le ravissement qui l’avait soulevé quand il peignait sa Sainte Agnès, ou le Triptyque de Saint François, et cette région supérieure, inexplorée de la raison, où l’emportait son rêve,