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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/365

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que par un indicible effort contre l’écœurement que lui inspirait un tel sujet imposé par l’amateur. De plus, une fatigue physique s’adjoignait maintenant au dégoût. Il devait lutter contre une pénible lassitude qui l’engourdissait sans cesse, et se manifestait, durant le travail, par une sorte de morsure qui semblait grignoter les os de son échine. D’ailleurs, il avait totalement perdu le sommeil, et il pouvait attribuer tous ses malaises à ce manque de repos. La nuit, ses ennuis d’argent prenaient des proportions dramatiques ; il en concevait d’affreuses angoisses dont il se raillait quelquefois lui-même au matin. Mais l’obsession du labeur suppliciant persistait. Ce fut dans ces conditions qu’il commença son troisième tableau commercial intitulé : Autour du thé. Celui-ci avait été commandé à Houchemagne par une Américaine qui avait spécifié son désir d’un sujet mondain. Il y représentait deux jeunes femmes élégantes attablées à un guéridon, devant une théière. Nicolas n’avait même plus assez de ressort pour trouver une ironie amusante à traiter lui, l’enfant des vignerons, toujours si distant du monde, une telle composition. Il n’y voyait que le plus ennuyeux des devoirs. On était maintenant aux journées si brèves et si brumeuses de janvier ; les heures de lumière était comptées, et ce n’était qu’à la nuit, lorsque les tons de sa palette se brouillaient, qu’il pouvait rejoindre Marcelle. Puis, des difficultés surgirent à propos des robes de ses modèles. Il