Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/371

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ment, depuis l’an passé, il n’avait pas eu le temps de brosser son chef-d’œuvre habituel ! Un Salon sans Houchemagne ! que dirait le public ! Miss Spring seule se taisait ; mais elle levait sur la femme de Nicolas ses yeux bleus si angoissés, si émus, si désolés, que Jeanne en fut touchée et en reçut du réconfort.

— Écoutez, déclara solennellement Addeghem lorsque le bruit eut cessé, ce qui arrive, je l’avais prévu. Houchemagne paye aujourd’hui sa présomption. Pour avoir voulu se soutenir trop longtemps dans les régions qui ne sont pas celles de la vie, il en arrive à la lassitude, à l’épuisement. Son génie demeure, mais il devra le rajeunir. Il n’a plus rien à produire dans le genre où il s’entête.

— Moi aussi, j’avais prédit cela, déclara Pierre Fontœuvre.

— Moi aussi, déclara Vaupalier.

— C’était fatal, ajouta Nelly Darche.

Alors, tout l’orgueil de l’épouse se réveilla chez Jeanne, stimulé par chacun de ces traits. On diminuait Nicolas, on proclamait la faillite de son œuvre, on niait ce qui formait l’essence de son génie ; c’était l’offenser elle-même mortellement. Trois personnes à ce moment la regardaient avec une anxiété douloureuse. C’était miss Spring, Blanche Arnaud et Marcelle. Les deux vieilles filles si dévouées à Houchemagne, brûlaient de le défendre et ne l’osaient en présence de sa femme ; et