Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/376

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Le lendemain, au lieu d’attendre l’heure de retrouver Nicolas, rue de l’Arbalète, elle courut de grand matin rue Visconti, pour le surprendre à l’atelier. Comme leurs entrevues étaient réglées d’avance, et que Marcelle ne venait jamais à l’improviste, il était sans méfiance et travaillait péniblement à son tableau mondain. Lorsqu’elle ouvrit la porte, il se retourna, pensant voir Jeanne. En reconnaissant la jeune fille, il eut une exclamation de contrariété :

— Oh ! c’est toi !

Alors, devant cet accueil, devant la petite toile qui représentait deux Parisiennes élégantes buvant du thé, Marcelle demeura glacée.

— On me l’avait dit, prononça-t-elle enfin, je n’avais pas voulu le croire.

Nicolas respirait fortement, il souffrait en silence, sans pouvoir s’expliquer. Soudain il s’emporta contre lui-même, contre son œuvre indigne, contre la dureté trop grande du châtiment qu’il endurait ; et, saisissant à deux mains la toile, il l’arracha du chevalet et la projeta à deux ou trois mètres de là, au fond de l’atelier.

— Je te défends de voir cela ! cria-t-il.

Et il fixait sur Marcelle un regard mauvais qui la déconcertait encore davantage.

— Explique-toi, supplia-t-elle, si tu ne veux pas que je te juge mal.

— Personne ne peut me juger bien, je suis un misérable.