Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/378

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— Qu’importe le reste, répétait-il une fois de plus, nous nous serons aimés.

— Tu avais raison, reprenait Marcelle, je le vois aujourd’hui ; au-dessus de notre bonheur personnel qui nous paraît immense et qui est petit, il y a des lois, il y a le bien et le mal. Oui, nous avons mal fait, Nicolas. Il fallait te laisser à Jeanne.

— Tu sais bien que nous ne pouvons pas nous arracher l’un à l’autre, pourtant !

— Non, nous ne le pouvons plus. Il est trop tard. Il ne fallait pas s’aimer, voilà. Une heure a sonné où je pouvais encore me détacher de toi, une heure où j’aurais pu ne pas me donner à toi, et je n’ai pas su, et nous avons péché, et j’ai brisé la vie de Jeanne, et j’ai brisé ta vie, et j’ai éteint la flamme de ton génie.

Nicolas l’étreignait plus fort.

— Aimons-nous, aimons-nous plus pour que notre amour submerge notre remords, murmurait-il. Moi je t’aime comme si tu devais m’être ôtée bientôt.

Quand Marcelle, ressaisie par le sens de la sollicitude féminine, fut allée ramasser la toile qui gisait là-bas, sur le plancher de l’atelier, elle ne vit qu’un amas de couleurs brouillées. Dans la chute, la peinture s’était étalée, les gris de l’une des robes avaient coulé sur un visage ; des taches restaient sur le parquet morceaux d’une joue, de la nappe, des chapeaux. Nicolas fut atterré.