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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/379

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Tout d’abord Marcelle ne comprit pas que le ravage d’une œuvre si peu aimée pût causer à l’artiste une telle émotion. Il était blême, ses membres tremblaient.

— Ah ! pardonne-moi, dit-il, je suis faible maintenant devant les difficultés de la vie ; je vois qu’il me faut recommencer l’atroce effort.

Et ce qu’il ne disait pas, c’est que les difficultés d’argent se présentaient à lui comme insurmontables. Il en éprouvait l’impression d’un cauchemar. C’était sur cette toile qu’il comptait pour la prochaine échéance. L’idée que des billets, par une rouerie de son usurier, pourraient être envoyés ici, rue Visconti, tomber entre les mains de Jeanne, qui les solderait peut-être sans rien dire, l’affolait. Et combien de temps lui faudrait-il maintenant pour refaire ce tableau !

Marcelle finit par deviner ce désespoir. Elle lui dit :

— Veux-tu que j’essaye de te l’arranger, cette toile ?

Mais il se révolta :

— Toi ? je te permettrais une pareille besogne ! Oh ! ma chérie ! Mais je ne te veux faite que pour l’art véritable. Je veux que jamais, jamais tu n’entreprennes une chose indigne de ton âme. Promets-le moi.

Elle le promit avec la docilité que cette indomptable n’avait pas une fois cessé de montrer près de lui.