Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/380

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Ce fut le soir de ce jour que Nicolas fut pris de frissons et dut s’aliter. Il souffrait de la tête et sa température montait d’heure en heure ; mais, bien qu’il fût très accablé, le médecin ne put diagnostiquer rien d’autre que la grippe et ne s’inquiéta pas. Le malade, en cet état d’anéantissement, retombait tout entier sous la protection de l’épouse. Jeanne, en venant à son chevet, goûtait une sorte de revanche et de triomphe. Ici, personne ne le lui prendrait. Elle s’attardait à tenir sa main brûlante. C’était la première joie d’amour qui lui était accordée depuis des mois entiers. Nicolas, à peine conscient, s’abandonnait tout entier à cette amie familière, qui jamais ne l’avait blessé, ne fût-ce que d’un regard. Jeanne prolongea sa veillée jusqu’au delà de minuit ; puis, voyant son malade endormi, vint reposer dans sa chambre voisine. Alors commencèrent pour Nicolas les songes fantomatiques de la fièvre. Les souvenirs de son tableau détruit, des affronts de ses dettes se mêlaient à ceux de son œuvre manquée pour le harceler. Il se voyait recommencer sans trêve les deux figures de femmes à la table de thé, et la toile buvait la peinture qui disparaissait à mesure qu’il l’y posait. Son inquiétude était si puissante qu’elle persista au réveil. Et comme la température baissait, vers le matin, il eut l’idée fixe qu’on lui montât un petit lit dans l’atelier afin de pouvoir au besoin, dans les moments de répit que lui laisserait son mal,