Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/38

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

rire perlé de Nelly Darche, le rire puissant d’Addeghem, celui du joyeux Fontœuvre résonnaient dans l’énorme pièce, en faisaient un cénacle de fête. C’était Juliette Angeloup qui excitait cette joie ; elle avait pris à partie Nugues, le pointilliste :

— Oui, mon garçon, je dis que vous êtes des farceurs, vous et tous ceux qui ont inventé de mettre de la physique dans des tableaux, et d’y faire de la décomposition de la lumière. Dé-compo-si-tion ! Ah ! c’est bien le mot, mais décomposition du goût, de la simplicité et du bon sens. La nature aussi a ses procédés, mais comme elle se garde de les faire paraître, comme elle les dissimule, comme elle fabrique sa cuisine à l’insu de nos yeux pour leur réserver une jouissance reposante ! Quand elle fait monter des fleuves une buée bleue pour estomper les collines lointaines, est-ce qu’elle vous montre sa chimie ? et quand elle fait une rose, est-ce qu’elle accumule les taches pour que cette fleur vibre, pour qu’elle soit une lumière ? et quand elle fait une belle femme, bon sang ! et qu’elle inonde d’un rayon de soleil sa chair blonde, est-ce qu’elle lui donne pour cela la petite vérole ?

Nugues ne riait pas ; il était tout crispé.

— L’artiste n’est pas un photographe, disait-il, en tapant du pied. Sa grandeur n’est pas de reproduire servilement, mais de créer. Je veux, moi, avec mes multiples couleurs, refaire tout seul, en