Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/381

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reprendre son travail et se délivrer de l’obsession. Jeanne n’eut même pas une objection devant le désir qu’il exprimait. Une heure plus tard il était satisfait. On avait dressé le lit au pied de la Multiplication des Pains. De là, ses yeux pouvaient aller du Sphinx gigantesque de ses vingt-cinq ans, au Christ mystérieux qu’il avait fait placer devant lui ; tandis que, un peu en arrière du chevet, posait sur le chevalet la toile à demi effacée des deux Parisiennes. Le jour cru du vitrage lui faisant mal, on baissa les toiles vertes qui permettaient de disposer à volonté de la lumière. Jamais l’atelier, si vaste et si nu, n’avait eu à ce point un aspect de sanctuaire. Jeanne était assise sur une chaise de paille et ne disait rien.

Mais de nouveaux tourments agitèrent Nicolas. L’heure vint où Marcelle devait aller l’attendre dans les chambres blanches. Qu’allait-elle penser et comment lui faire savoir qu’il était malade ? Et il la désirait là, il l’aurait voulue à la place de Jeanne. Jamais son amour, semblait-il, n’avait atteint cette intensité. Il appelait Marcelle avec des élans de son cœur qui l’épuisaient, qui le laissaient suffocant, inerte sur l’oreiller. Combien de temps cette maladie stupide allait-elle les tenir séparés l’un de l’autre ? Et il ne pouvait même pas lui écrire !…

Bientôt, il fit un effort surhumain pour peindre. On approcha le chevalet et il parvint à nettoyer