Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/383

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adoré. Penser que celui qui lui appartenait corps et âme cessait justement d’être à elle en des heures de souffrance, la déchirait. Elle eut des révoltes, les révoltes de son inconscience contre l’injustice qui la séparait de celui qu’elle aimait au moment même où il avait d’elle, de sa tendresse, de ses soins, le besoin le plus impérieux. Puis, peu à peu, les échos des remords de Nicolas se réveillèrent dans les profondeurs de son âme ; des voix s’élevèrent en elle qu’elle n’avait jamais entendues encore, que sur les lèvres de Nicolas. Ces voix implacables qu’elle détestait, qu’elle étouffait de son mieux, lui disaient au contraire qu’une justice exacte réglait à ce moment toutes les conditions de sa peine, et que c’était précisément une des formes douloureuses et fatales des unions illégitimes que d’être imparfaites, tourmentées, persécutées. Mais Marcelle voyait une seule chose : Nicolas souffrait et elle était loin de lui.

Au déjeuner chez les Fontœuvre, on la trouva plus silencieuse que jamais, avec des regards hautains qui semblaient défier le chagrin même auquel elle était en proie. Qu’ils étaient tristes, ces repas où François pouvait à peine prendre part ; où il s’exprimait par signes pour échapper à l’infirmité navrante de sa parole, où Marcelle venait s’asseoir comme une étrangère dont on savait que la vie était ailleurs, où Hélène voyait sans cesse flotter derrière sa sœur le fantôme du