Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/386

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put s’empêcher de dire sans pitié pour Marcelle :

— Il ressemblait à un homme dévoré par des soucis terribles.

Pierre Fontœuvre répéta le mot d’Addeghem : « Une lassitude de son génie. »

— On a vu tant d’artistes, qu’on croyait tout-puissants, se survivre à eux-mêmes ! hasarda Jenny.

— Mais, il a trente-sept ans ! reprenait le mari.

Marcelle les écoutait de son air hautain et illisible. Chaque mot la blessait. Elle n’avait rien vu, elle. Sous ses yeux Nicolas souffrait et dépérissait ; le remords était une maladie atroce qui usait lentement la substance de ses nerfs. Elle ne s’en était pas aperçue. Ainsi, ce n’était pas seulement la gloire d’Houchemagne qu’elle avait ruinée, ce n’était pas seulement la noble conscience de l’homme et de l’artiste, c’était aussi la vie physique, la force de ce corps dont elle était si orgueilleuse.

Alors commencèrent pour elle les véritables inquiétudes. La peur de perdre celui qu’elle aimait se joignait en elle au regret de l’avoir conduit où il était ; mais la crainte surpassait encore le repentir. Seule dans sa chambre, l’esprit égaré, elle demeura une heure debout, immobile, cherchant à concevoir ce que pourrait être pour elle la mort de Nicolas. Et jusqu’à une heure avancée de la nuit, Hélène l’entendit pleurer comme naguère à petits sanglots étouffés…