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Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/387

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Le lendemain matin, le médecin, effrayé des montées de température, manifesta moins d’optimisme. Il interrogea ingénument Jeanne pour savoir si le malade n’avait pas fourni un travail exceptionnel durant les derniers mois, s’il n’avait eu ni surmenage mental, ni profonds soucis moraux.

— Il n’a eu ni travail exceptionnel, ni surmenage mental, mais de profonds soucis moraux, déclara la pauvre femme acculée à l’absolue franchise.

Le médecin devina un secret et n’insista pas, mais il dit :

— C’est un homme épuisé.

Les diagnostics furent nombreux et hésitants. On parla de méningite, puis de grippe infectieuse. Nicolas souffrait et ne parlait plus, mais sa lucidité demeurait intacte. Trois ou quatre idées uniques, mais terribles, roulaient perpétuellement dans son cerveau : le souvenir du tableau promis, l’image de la désolation de Marcelle, la ruine de son œuvre, Jeanne. Jeanne avait repris possession de lui ; il sentait continuellement sur lui, autour de lui, la caresse enveloppante de ces mains qui glissaient sur son front, arrangeaient l’oreiller ou rafraîchissaient les siennes. Il y avait dans ces gestes silencieux et maternels une source de bien-être pour lui ; mais il se défendait d’y goûter en songeant que c’était à cause de Jeanne qu’il était privé de Marcelle. Loin de Marcelle, malgré les