Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/389

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mystérieux qu’il n’est pas donné à l’homme de connaître avant qu’il ait atteint exactement ces limites de son pèlerinage. Et sans même qu’il eût réfléchi, dès que cette conviction lui fut venue : « Ma vie va se terminer », l’angoisse animale provoqua aussitôt par tout son corps la sueur glacée de l’épouvante. Mais sa force morale domina bientôt l’instinct, et il vit quelque chose d’admirable dans la Volonté cachée qui mettait des bornes à son existence au point précis où elle devenait impossible. La solution du sombre problème de sa conscience, cette solution que par faiblesse, par excès de sensibilité, il était impuissant à trouver, le Destin la lui fournissait et il l’acceptait avec joie. Voilà qu’enfin Marcelle lui était arrachée en même temps que la vie. C’était l’affranchissement du péché, et il consentait jusqu’à la souffrance de Marcelle, puisqu’On n’exigeait plus qu’il la lui imposât lui-même. On le dispensait de l’acte qui dépassait trop ses forces. On agissait pour lui. Il n’avait plus qu’à attendre le passage purificateur.

De ce moment, comme si la mort eût opéré en lui par phases successives, et que sa première œuvre eût été le formidable coup qui tranchait l’amour coupable, Nicolas fut délivré de Marcelle. Il cessa de la porter en lui, de l’appeler, de la désirer. Elle lui devint lointaine. Il se sentait pour elle une tendresse étrange. Elle lui paraissait son enfant.