Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/392

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senter la vie, et qui parlerait à la Femme, sa meilleure auditrice. Ainsi, la préoccupation qui avait commandé ses premiers travaux, l’idée de figurer sous les traits de l’homme, des êtres d’une essence supérieure à l’humanité, le hantait encore aux derniers moments de sa carrière et, s’étant entièrement développée, le menait jusqu’à la tâche impossible. C’était le verbe puissant de sa vocation qui voulait se faire entendre à son âme jusqu’au bout, et qui, après avoir soutenu, échauffé, nourri l’homme pendant vingt ans, revenait encore presser le moribond. La douleur d’être interrompu dans sa course, et de faillir à cette voix divine, et de laisser dans le néant des œuvres qu’il lui appartenait d’en faire sortir, le convulsa un moment. Et il entendit Jeanne qui demandait au médecin, à voix basse :

— Croyez-vous qu’il ait encore sa connaissance ?

Sa connaissance ! Qu’elle devenait au contraire claire, limpide et certaine ; au lieu de diminuer ! Sa vie, son œuvre, sa faute s’illuminaient. Ah ! qu’On lui donnât seulement le temps d’achever son Christ, afin qu’en franchissant la suprême porte il eût la paix de l’homme qui a vraiment fini sa journée !

Cependant, cette surexcitation douloureuse qu’une piqûre d’éther avait favorisée, s’abattit à la longue. Les pensées de Nicolas devinrent plus courtes, avec des arrêts, des vides, et aussi de