Aller au contenu

Page:Yver - Les Sables mouvants.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

bizarres déviations dues à la fièvre qui remontait. Mais certaines avaient l’acuité d’un éclair de vérité. Ses yeux voilés n’entrevoyaient plus son Christ que dans un nuage où le visage semblait. s’animer ; et plus il allait, plus il séparait l’idée de l’œuvre, le Sauveur lui-même de son effort de peintre. C’était le second détachement qui s’opérait : il mourait à l’art après être mort à l’amour. Car, ce qui arrivait, il le trouvait maintenant souverainement équitable ; et, pensant à son péché, il s’étendait, résigné, sur la croix du châtiment. Mais l’artiste disparu, l’homme restait, douloureux, misérable, faible, implorant de l’aide. Le médecin partit. Jeanne demeurait seule près du lit. Nicolas ne cessait de sentir sur lui le regard angoissé, chargé de souffrance, de cette sainte compagne, et une chose fatale se produisit son anxiété le conduisit à elle. Soudain ses lèvres murmurèrent :

— Ma pauvre femme…

Elle tressaillit, le prit aux épaules, le contemplant avec une telle tendresse qu’il en fut comme ranimé. Avec effort il prononça :

— Pauvre femme meurtrie que je vais faire souffrir encore !

Alors un sanglot qu’elle ne put contenir lui sortit des entrailles. La douleur sans limites la submergea elle dit d’une voix étouffée :

— Nicolas, reste avec moi !

Jamais pareil cri d’amour n’avait passé, aux